Alexis Ferrari

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Portrait Alexis Ferrarri

Alexis Ferrari est médecin.
Membre du centre Assise depuis plus de 20 ans, il en est devenu animateur lorsque maître Eizan Roshi l’a invité à transmettre son expérience du zen.

Il est formé à la Leibthérapie selon Dürckheim (Wolfram Helke) et à l’haptonomie (CIRDH)

Alexis anime une rencontre hebdomadaire à Paris le mercredi.

Contact : zazenparis@gmail.com

La Voie du Zen

Alexis Ferrari, Novembre 2011, (modifiée 2018)

Pour un numéro spécial de la Voix d’Assise sur le Japon, j’ai envie de parler de ce que
l’échange avec le Japon, grâce au lien direct avec un authentique Rôshi (« vieux maitre »), nous
transmet : la Voie du zen.
Cette Voie est le chemin d’une vie ou l’on se laisse transformer par l’exercice continu de la
méditation zazen. C’est une Voie sans point d’arrivée et dont le point de départ est un besoin vital
de partir à la recherche de ce que l’on est, au-delà de la vie et de la mort. Mais le zen n’a pas
l’exclusivité de réponse à ce besoin et les chemins sont nombreux. Il importe de suivre celui qui nous
appelle.
Eizan Rôshi aime dire que « le zen est la Voie du souffle et du silence », ce qui par essence lui confère
un caractère universel. L’échange avec le Japon montre que cette Voie n’est pas (n’est plus ?)
attachée à une religion particulière, ou à la condition monastique ou sacerdotale. Le témoignage de
Jacques Breton, comme d’autres, montre qu’elle ne s’oppose pas non plus à la religion. Ce qui se
révèle à chacun dans l’expérience intérieure, et l’éventuel acte intime de foi qui en découle peut
aussi rester de l’ordre du jardin secret.
La voie du zen peut être artificiellement séparée en 3 piliers : la méditation zazen
quotidienne, les périodes de retraite intensives dites « sesshin », et la vie quotidienne concrète.
La méditation zazen est l’échine de l’exercice. Trente minutes quotidiennes peuvent suffire. C’est un
temps de recueillement, où l’on se retire de toute activité pour s’assoir, immobile, en silence, dans
une posture bien précise. Contrairement à nos activités habituelles, ce temps d’assise n’a pas de but
et ne consiste pas en un « faire ». Il n’y a rien à attendre ou à rechercher. On se détourne résolument
de notre conscience objectivante habituelle pour entrer dans une écoute perceptive de soi-même, en
particulier du fondement et de l’espace de la base, et de ce qui nous entoure. En fonction des
dispositions du moment, on peut simplement accueillir le souffle, sans le diriger, ou, si le mental est
plus agité, commencer par compter les respirations. La méditation s’approfondit d’elle-même. Il
importe d’accueillir tout ce qui se présente de l’extérieur comme de l’intérieur (pensée, émotion,
douleur, état d’âme….) mais sans s’y attacher et surtout sans jugement, sans se juger.
Une fois le mental calmé, on peut accompagner intérieurement chaque expir d’un son comme le
« Mû » (prononcé MOU), s’appuyer littéralement sur le souffle qui descend pour s’engager de tout
son être dans un mouvement ou l’on se donne jusqu’au fondement. Le sentiment de la base qui nous
recueille s’élargit, s’enracine. On se sent de plus en plus densément unifié jusqu’à se vivre comme un
bloc intensément vivant, animé par le souffle et vibrant au rythme des battements cardiaques.
Ce qui demandait encore un effort au Moi existentiel se fait maintenant de soi-même et c’est
l’énergie même du zazen qui nous emmène en bas, vers le centre. Celui-ci est vécu comme l’éclosion
soudaine d’une présence claire et vaste, tranquille, empreinte de silence. On peut avoir le sentiment
d’être rentré chez soi, ou que la couche de nuages s’est dissipée. Cela peut être aussi perçu comme
un redressement et une ouverture, venus de l’intérieur et qu’alors tout devient simple. Ce qu’il y a de remarquable dans cet état est une « porosité » de notre « être au monde » qui non seulement n’est
plus limité mais ou ce qui nous entoure est perçu dans une proximité intime. La dualité entre
l’extérieur et l’intérieur s’est dissoute, il n’y a plus de vulnérabilité et un sentiment de parfaite
sécurité. On a atteint à ce moment le « camp de base » du zazen, par analogie à l’alpinisme. En
langage du zen, c’est l’entrée dans le Samadhi et le début du vrai zazen.
La sesshin (littéralement « rassembler le cœur-esprit ») est une période de retraite intensive, dans un
environnement et un emploi du temps « monastique », en groupe, guidé par une personne ayant
une grande maturité. C’est une période d’ascèse qui met à très rude épreuve le physique et le
mental. Le doute, les douleurs, les pensées et émotions, l’ennui, le manque de sommeil sont des
difficultés parfois cauchemardesques, à chaque fois retraversées pour s’ouvrir à nouveau au sens.
Relever ce défi permet de réaliser un chemin qu’il ne serait pas possible de faire autrement et
d’ouvrir sur des expériences spirituelles profondes. Dans les monastères zen, les moines font une
dizaine de sesshin par an. Ceci est évidement incompatible avec une vie active « laïque » mais déjà
pouvoir faire une sesshin annuelle d’une semaine est précieux. Lorsque le guide est un maître zen de
l’école Rinzai, il utilise des koans pour faire progresser et tester son disciple. Le koan est une sorte
d’énigme sur laquelle achoppe la réflexion rationnelle et dont la réponse surgit de la profondeur de
la méditation et doit être exprimée au maitre avec toute sa corporalité.
Les expériences intérieures. Il y a une phénoménologie de l’expérience intérieure (des vécus) lors de
la pratique intensive du zazen. Celle-ci est reproductible aussi bien d’une personne à l’autre que chez
la même personne. Les expériences ne durent pas et elles ne sont pas une fin en soi. Ce qui importe
vraiment est la transformation très progressive de la personne. Il y a aussi de nombreuses
expériences dites hallucinatoires – makyo en japonais- et donc un grand risque de se fourvoyer en
pensant avoir fait une expérience décisive, ou d’errer d’expérience en expérience, sans entrer
vraiment dans la profondeur. L’authenticité de ce qui est vécu doit impérativement être confirmée
par un Rôshi.
La tradition zen répugne à parler du zen en général et de ses vécus en particulier. Eizan Roshi dit « le
monde du zen commence ou s’arrête le monde des mots ». Pourtant tous les maitres insistent sur
l’importance d’approfondir le Samadhi et de vivre le moment décisif du kensho (expérience de
l’éveil).
Car entré en Samadhi et en concentrant de plus en plus l’énergie spirituelle qui en découle, le
méditant poursuit son chemin de dépouillement de soi, s’enfonçant de plus en plus dans le monde
du silence. Il peut s’ouvrir à des vécus d’une grande profondeur spirituelle tantôt dans l’espace de
l’intériorité (« boire à la Source », comme disait Jacques Breton) tantôt dans l’ouverture à l’au-delà
de soi dans une qualité Affective (vécu du cœur sans limite) qui peut parfois prendre une dimension
« cosmique ».
Le kensho (« expérience de l’éveil », « vision de sa vraie Nature » ou « expérience du Bouddha »),
peut survenir soudainement, souvent provoqué par un évènement extérieur inattendu (son, vue,
choc…) ou une douleur ou spontanément, alors que la personne est en état de Samadhi. Tenter de
décrire ce vécu n’aurait pas de sens, tout au plus peut-on suggérer sa dimension d’éternité. Bien que
rare, le kensho n’est pas exceptionnel et il n’est pas un point d’arrivée mais plutôt un point de
départ : l’entrée sur la « grande Voie ». Bien que le disciple n’en n’ai au début pas conscience, il s’est
opéré une véritable révolution de son monde intérieur. Il a acquis un savoir, totalement non
conceptuel et non exprimable, qui le libère des grandes questions et peurs sur la mort, Dieu et le
sens de la vie, et l’installe dans la valeur de l’instant présent. Il y a par la suite un lent travail, de
plusieurs années, pour le « digérer », s’en détacher et l’intégrer.
Pendant la sesshin la succession des temps d’assise méditative et des temps d’activités (repas en
commun, jardinage, nettoyage du monastère…) rend sensible l’articulation entre intériorité et
activité extérieure et communautaire.
La vie quotidienne est in fine là ou se réalise le vrai sens de l’exercice. Pour celui dont la vocation
n’est pas de devenir moine ou prêtre, il s’agit de s’engager pleinement dans le monde et la société,
en y reversant ce que lui apporte la vie méditative. Les effets, d’abord expérimentés de façon
transitoire, s’approfondissent et se consolident très progressivement, sur des années, comme le
montre le témoignage de nos « ainés » sur la Voie. L’exercice du zen développe l’attention à la réalité
telle qu’elle est, et aide à vivre le moment présent. Relié à son for intérieur et au souffle, cela
procure un heureux sentiment de liberté, tant vis-à-vis des évènements extérieurs que par rapport à
soi-même. Il se développe aussi une vitalité joyeuse et positive. L’ancrage dans le « Hara », source de
sécurité intérieure et de calme, permet d’être soi-même, de façon authentique et ouverte, et de
pouvoir accueillir l’autre tel qu’il est. L’expérience renouvelée de cet « espace essentiel» qui nous
relie fait naitre un profond sentiment de solidarité avec les autres avec le monde. La vie prend sens,
quelque soit l’apparente banalité du quotidien.
Est-ce que la Voie du zen, sortie de son contexte culturel et religieux, se suffit à elle-même ? Le
témoignage de Jacques Breton dans son dernier livre « La traversée de l’obscur », et l’expérience de
mon propre chemin me font penser que non. La méditation zen est une pratique « solitaire », qui
bien sûr nous ouvre sur notre être essentiel, mais qui n’est pas forcement suffisante pour épanouir
l’expression de notre affectivité dans la relation à l’autre, mûrir l’art de «l’être ensemble » tendre et
confirmant, source du bonheur humain. Le zen n’est probablement pas toujours suffisant non plus
pour nous libérer de nos blocages, fruits de notre histoire et de celle de notre famille, qui nous
empêchent de nous déployer pleinement.

« Regardez autour de vous : la vie ne va pas sans la souffrance. Le bébé, quand il nait, souffre.
Forcement on perd des personnes que l’on aime, on tombe malade alors qu’on voudrait être en bonne santé.
Et tous on va mourir.
Et la douleur d’une mère qui perd son enfant ?
Alors quand vous faites zazen, est-ce que vous pensez à vos souffrances passées ? Non !

Zazen lave le corps et l’esprit. Zazen permet d’être vraiment humain, de garder l’esprit juste, d’aider les autres. C’est pour ça que vous faites zazen. Zazen c’est des vitamines pour votre cœur-esprit (âme) » .
Eizan Roshi

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